Nous avons sélectionné quelques mots, particulièrement significatifs de l’approche de La Belle Ouvrage, et partageons avec vous le sens que nous leur donnons.
Nous constatons, à l’occasion de nos diverses activités, l’utilisation fréquente du terme de collectif, et d’autres termes associés tels que participatif, coopératif, etc. À y regarder de plus près avec les personnes concernées, nous nous apercevons que ces mots recouvrent des enjeux et des pratiques professionnelles variés.
Pour certains, il s’agit d’expérimenter de nouveaux processus de travail au sein d’un groupe, pour d’autres, d’imaginer de nouvelles modalités de gouvernance. Pour beaucoup, il s’agit de redonner sens et plaisir au travail en favorisant et valorisant sa dimension collective, pourtant intrinsèque à l’action de travailler. En effet, « on ne peut rien faire sans les autres, sans leurs compétences techniques et sociales, encore plus aujourd’hui qu’hier, tant les objets du monde sont toujours plus complexes » (Willy Falla et André Sirota, Nouvelle revue de psychosociologie n° 14, Faire équipe).
À La Belle Ouvrage, nous sommes particulièrement intéressées par deux points : vous donner envie de tenter une expérience collective tout en étant au fait de la complexité inhérente au fonctionnement des groupes, et vous accompagner dans la formulation et l’affirmation de vos pratiques collectives de travail.
Pour cela, nous proposons de travailler avec vous la diversité des représentations et des relations que chacun développe à propos de cette notion, et en parallèle de resituer les enjeux du collectif dans la société d’aujourd’hui. Il s’agit aussi de penser la place de chaque individu au sein du groupe : une action collective suppose toujours un désir ou une volonté individuelle de participer au collectif, de collaborer avec d’autres, de partager un projet commun.
Il nous importe d’explorer les distinctions propres à chaque vocable et pratiques tels que : collectif, participatif, collaboratif, coopératif, mutualisation, groupement,… afin que chacun puisse mieux situer son projet. Et aussi d’investiguer quelques notions utiles à ces fonctionnements comme : la différence entre égalité et équité, l’articulation entre autonomie et responsabilité, la complexité de l’organisation verticale et horizontale, la distinction entre décision et contribution, la co-construction dans une asymétrie assumée, la hiérarchie comme pouvoir de faire, la dimension partenariale, le partage de la propriété, …
Enfin, sachant qu’une des conditions nécessaires à la construction du sens au travail est l’adéquation entre ce qui est énoncé à l’extérieur et ce qui est organisé en interne, nous pouvons contribuer à penser avec vous les organisations de travail les plus adaptées à vos enjeux, ainsi que les protocoles de travail qui permettent d’articuler les compétences individuelles avec les compétences collectives. « Cette possibilité de faire son travail avec les autres, de s’en apercevoir et de reconnaître ce que l’on doit aux autres, donne accès au sentiment précieux d’être partie intégrante de l’humanité » (Willy Falla et André Sirota).
Lorsque La Belle Ouvrage a été créée en 2006, les questions de relations conflictuelles au travail étaient assez taboues. Aujourd’hui, elles sont largement abordées par les employeurs et les salariés, en cohérence avec les évolutions du droit du travail. Afin de comprendre ce qui nous amène à travailler plus précisément la question de la conflictualité, il est nécessaire de décrire la complexité actuelle au sein du secteur.
Nous assistons une transformation du fonctionnement des entreprises en général : organisation hybride avec le télétravail et mutation des métiers due aux évolutions numériques.
Nous constatons une modification concernant l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle : souci de mettre son énergie au service de ses propres convictions, attention à sa santé au travail, vigilance au volume de la charge de travail et à son coût psychique, désir de mobilité tant géographiquement que dans les fonctions. Le rapport au travail évolue, les difficultés de recrutement augmentent.
Nous observons la construction de nouveaux repères, induits par les questions sociétales qui s’invitent légitimement dans les espaces de travail comme : l’écoresponsabilité, la protection face au harcèlement moral et aux violences sexuelles avec l’apparition de la notion de personne référente, la lutte contre les discriminations. S’inscrivent également les questions de parité, de genre, de relations intergénérationnelles, le désir de plus de collégialité. A quoi s’ajoutent les notions de droits culturels, d’appropriation culturelle, et le développement de l’intelligence artificielle. Le souhait d’inclure davantage de diversités, de prendre en considération les différences d’apprentissages, d’expériences, d’origines culturelles, de langues, de comportements, est un réel sujet d’attention et de régulation des tensions au sein des équipes.
Les points de vue différents s’expriment et c’est tant mieux pour améliorer le travail commun. La question se pose alors de comment accueillir, explorer, gérer, expérimenter les conflits, les tensions qui apparaissent. Quelles « règles du jeu » définir ensemble à partir de l’expression des besoins de chacun·e ? Quel dispositif mettre en place pour que les individus se parlent, afin de garantir la poursuite du travail dans de bonnes conditions ?
A La Belle Ouvrage, nous partons du principe que la conflictualité fait structurellement partie de la vie, donc de la vie au travail. Elle existe d’une part entre soi et soi, et d’autre part dès qu’il y a rencontre avec un autre que soi-même. En effet, qui dit rencontre, dit potentiel de frottements. Rajoutons que l’activité de « travailler » consiste à résoudre en permanence des problèmes faisant appel à de la conflictualité interne et externe. Nous considérons ainsi que l’idéal harmonieux n’existe pas et que le conflit est non seulement structurel et aussi structurant. Ce principe posé, dans l’objectif de considérer et de travailler le conflit, il s’agit d’opérer une triple compréhension : expliciter de quoi est fait le conflit, distinguer ce qui relève des sphères sociales et personnelles, et explorer quels sont les mécanismes avec lesquels les individus impliqués réagissent individuellement et collectivement.
Notre expérience de l’accueil des conflits au sein d’une équipe montre aussi qu’il s’agit fréquemment d’enjeux de représentations contradictoires sur un sujet, de désaccords sur les normes : norme de savoir-faire, de pratiques, de procédures, de savoir-être, norme d’exigence ou de qualité de travail, norme générationnelle, de genre, d’ouverture, etc. L’objectif est donc de transformer le conflit en débat de norme, comme le proposent les psychosociologues cliniciens. Il s’agit de regarder ce qui est établi comme repères pour chaque personne et au sein de la structure, et de le mettre en lien avec la subjectivité propre à chacun·e, afin de créer du débat pour refonder une nouvelle norme commune, en recherchant le compromis acceptable. Il se peut que l’on n’y arrive pas, et qu’apparaisse alors la notion de conflit irréductible, actée et parlée, qui vise à s’accorder sur le dissensus. L’issue peut être de se séparer, mais dans des conditions plus satisfaisantes pour toutes et tous que lorsque le conflit est non travaillé.
Dire est difficile, entendre l’est tout autant. La mise en place de dispositifs comportant des « règles du jeu » précises permettant la prise de parole et l’écoute réciproque est fondamentale pour espérer atteindre une compréhension commune du conflit agissant.
Par nos métiers d’origine (direction de production, administration, droit, …), l’économie des projets ou d’une activité a toujours été une question centrale dans nos préoccupations.
Pour nous, le budget prévisionnel, ou le modèle économique, est la traduction du projet, de sa conception et de ses modalités de mise en œuvre. Le modèle économique concentre en effet les dimensions suivantes : enjeux poursuivis, conception des activités au service de ses enjeux, temporalité de développement de ses activités, système d’organisation du travail pour leur mise en œuvre, choix de rémunérations, type de relation avec l’extérieur, partenaires, public, clients, etc. C’est aussi se préoccuper de la notion d’emploi et de son accessibilité. Travailler la dimension économique, c’est interroger sans répit l’ensemble de ces dimensions dans le but d’arriver à un équilibre juste et singulier pour soi et pour l’activité, du point de vue des conditions de faisabilité et des enjeux et valeurs portés par le projet. C’est aussi une façon de travailler l’ancrage du projet dans le réel et éviter ainsi l’illusion des projets « hors sol ».
C’est pourquoi nous sommes attachées à aborder la dimension économique dans toutes nos activités d’accompagnement, individuel ou collectif. En effet, cette question concerne aussi bien la mise en œuvre de projet professionnel individuel à travers recherche d’emploi, création et développement d’activités, prise de poste, transformation de l’activité, que la réalisation de projets de structure pour un territoire ou un secteur.
Enfin, les réflexions concernant l’économie d’une activité permettent d’aborder la relation que chacun et chacune entretient avec l’argent, question souvent taboue, sous différents angles : reconnaissance de la valeur travail, héritages réels et symboliques, besoin de sécurité et relation à la prise de risques.
Nous sommes convaincues depuis longtemps que diriger une entreprise, c’est prendre une responsabilité dans la société. À La Belle Ouvrage, nous travaillons régulièrement aux côtés des porteurs de projet et pilotes pour définir les valeurs et convictions qui sous-tendent leurs choix et les aidons à imaginer des actions concrètes pour mettre en œuvre ces convictions. Il s’agit pour nous de les soutenir dans l’affirmation de leur responsabilité sociale.
Cette responsabilité sociale des entreprises signifie prendre en compte l’ensemble des actions et choix de l’entreprise pour en mesurer les impacts sur la société : contributions, valeur économique, choix des fournisseurs, ressources utilisées, impacts sur les salariés, les bénéficiaires, les partenaires, les voisins, le territoire.
Nous sommes particulièrement attentives à l’adéquation entre les valeurs énoncées, le projet de structure et leur mise en œuvre concrète et au quotidien, qui est source de cohérence pour l’ensemble des personnes engagées dans le projet.
Dans le contexte de mutations et sous la pression de la crise environnementale, les pilotes de projets sont amené·e·s aujourd’hui à examiner avec une acuité particulière leurs pratiques et engagements responsables. Nous avons choisi le terme d’éco-responsabilité pour embrasser l’ensemble de ces dimensions sociétales, sociales, économiques et environnementales.
Ces démarches actives de contribution aux enjeux du développement durable peuvent se traduire par des projets spécifiques, de nouveaux modus operandi au sein des équipes et avec les partenaires et impliquent un engagement sur le long terme, en amélioration continue.
Différentes expériences d’accompagnement d’équipes de direction porteuses de cette ambition nous ont montré la nécessité de mettre en œuvre des déplacements profonds de représentations et de postures au sein des équipes et d’adapter les outils des professionnels pour travailler de concert à ces évolutions. Cela suppose du temps et une démarche sur-mesure.
Certaines expériences menées ici ou là sont des sources d’inspiration, qui peuvent être enrichies par des échanges entre professionnel·le·s et des ouvrages ressources. Nous cherchons à créer, au sein de groupes constitués ou bien dans le cadre de propositions spécifiques, des espaces où cette éco-responsabilité puisse être discutée, comprise, imaginée et travaillée concrètement par les professionnel·le·s.
D’après le Dictionnaire culturel en langue française, il s’agit de l’action d’évaluer. Les mots associés sont : appréciation, détermination, estimation, expertise, prisée, calcul, inventaire, approximation, mesure, prix, valeur. La société actuelle regorge du principe de l’évaluation : évaluation budgétaire, évaluation des compétences, évaluation participative, entretien annuel d’évaluation, …
À La Belle Ouvrage, au verbe évaluer, nous préférons souvent celui d’apprécier. Il intègre une dimension plus approximative, fait appel au discernement, ouvre aux sentiments et aux sens, laisse de la place aux perceptions et aux impressions, et surtout, induit une notion de jugement favorable comme aimer, goûter, estimer, priser. En deux mots, il est plus humain, plus en lien avec l’altérité.
Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS en science politique, fait un état des lieux des différents types d’évaluation dont trois nous intéressent plus particulièrement.
Il y a l’évaluation punitive, « fruit d’une longue tradition de contrôle et d’inspection qui demeure dans les esprits à chaque fois qu’un problème soulevé appelle, pour sa résolution, le déclenchement d’une évaluation ». Nous préférons éviter celle-ci, qui pourtant s’impose de plus en plus fréquemment.
Il y a l’évaluation à caractère « endoformatif », qui s’intéresse davantage au processus et aux effets sur les personnes, indépendamment du résultat, « modèle qui prend le risque d’une intrication avec le terrain, posant donc les enjeux, ensuite, de la distance analytique qui en découle ». Ce modèle nous est plus familier, il sous-tend notamment l’étude que nous avons coordonnée sur les bureaux de productions.
Enfin, Emmanuel Négrier évoque le modèle « pluraliste » : « Partant du constat qu’il est impossible, le plus souvent, de définir des critères d’évaluation qui soient à l’abri de l’instrumentalisation par certaines catégories d’acteurs, la conséquence est qu’il convient d’assumer -d’institutionnaliser- le débat au sein même du dispositif d’évaluation». Ce modèle complexe permet de faire se rencontrer, par exemple, l’ensemble des acteurs d’un secteur sur l’ensemble d’un territoire, et de produire des connaissances sur un domaine tout en développant de l’interconnaissance entre les acteurs.
Aujourd’hui, nous conseillons d’intégrer la réflexion sur l’évaluation dès la conception du projet. Cela permet de préciser en amont les objectifs poursuivis et les résultats attendus, et de maîtriser, sans se les voir imposer, les modalités pour évaluer et apprécier son activité.
La loi du 5 septembre 2018 a profondément réformé le champ de la formation professionnelle et lui a donné une nouvelle définition : il s’agit d’un « parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. Elle peut être réalisée en tout ou partie à distance. Elle peut également être réalisée en situation de travail. » Cette définition donne beaucoup plus de souplesse quant aux moyens employés et permet plus d’innovations pédagogiques.
La loi détaille ensuite les quatre objectifs de ces actions de formation.
1° Permettre à toute personne sans qualification professionnelle ou sans contrat de travail d’accéder dans les meilleures conditions à un emploi ;
2° Favoriser l’adaptation des travailleurs à leur poste de travail, à l’évolution des emplois ainsi que leur maintien dans l’emploi et de participer au développement de leurs compétences en lien ou non avec leur poste de travail. Elles peuvent permettre à des travailleurs d’acquérir une qualification plus élevée ;
3° De réduire, pour les travailleurs dont l’emploi est menacé, les risques résultant d’une qualification inadaptée à l’évolution des techniques et des structures des entreprises, en les préparant à une mutation d’activité soit dans le cadre, soit en dehors de leur entreprise.
Elles peuvent permettre à des salariés dont le contrat de travail est rompu d’accéder à des emplois exigeant une qualification différente, ou à des non-salariés d’accéder à de nouvelles activités professionnelles ;
4° De favoriser la mobilité professionnelle.
Bien au-delà des besoins stricts de l’entreprise, cette nouvelle définition pose une responsabilité de l’employeur et des salariés à identifier des évolutions, à se projeter dans les activités à venir, à cultiver la mobilité.
À partir de ces définitions, nous avons développé ce que nous appelons des formations-actions :
la formation est selon nous un processus de changement dans lequel le sujet est actif. Son implication dans ce processus est fondamentale ; c’est pourquoi nous nous inscrivons souvent du côté de l’éducation non-formelle, c’est-à-dire dans une approche de la formation centrée sur les personnes et leurs besoins. Cela implique de construire des dispositifs souples, souvent sur mesure, et de travailler avec les personnes à une lecture spécifique de leur contexte de travail, d’un point de vue social, géographique, institutionnel, organisationnel, etc…
L’éducation non-formelle, développée depuis longtemps dans le cadre Européen (Erasmus + notamment) implique l’identification de compétences en relation directe avec l’expérience des participants. L’interaction avec les pairs est également essentielle à cette modalité de formation. Il s’agit pour nous de favoriser les dispositifs qui permettent aux personnes que nous accompagnons d’ «apprendre de soi-même avec l’aide des autres.», donc de construire des savoirs nouveaux à partir des pratiques des participants et de favoriser leur expérimentation sur le terrain. C’est pourquoi nos propositions de formation-action sont découpées en différentes séquences, qui permettent des aller-retours fructueux entre temps de formation et mises en action.
« Les investissements immatériels sont constitués des dépenses de formation et de recherche-développement (R-D) pour le savoir ; des dépenses de logiciels pour le savoir-faire ; des dépenses de publicité, marketing, communication pour le faire-savoir. Ils sont qualifiés d’immatériels (on ne peut pas les toucher) pour les distinguer de ceux qui augmentent le stock de capital technique (matériel comme les machines), ces “choses” (qu’on peut toucher) qui permettent de produire des biens et des services. Ils font plus appel à la matière grise qu’à la matière proprement dite. (…) Il ne faut pas confondre la nature des dépenses effectuées par l’entreprise : un investissement immatériel comme la formation n’est pas une consommation intermédiaire comme la facture de téléphone. Il s’agit donc de bien repérer la logique d’investissement : former le personnel, c’est réaliser un détour de production (ma dépense d’aujourd’hui améliorera ma production de demain) qui caractérise tout investissement. » (définition extraite d’un travail collectif des professeurs de sciences économiques et sociales de l’académie de Lyon : retrouvez le sur http://ses.webclass.fr/)
Le capital immatériel est de plus en plus pris en compte pour apprécier la valeur des organisations.
Une illustration très claire nous est proposée par un site dédié à la valorisation de ce capital :
« Prenons l’exemple de la cuisine d’un grand restaurant : au bilan figurent les équipements de la cuisine, les stocks, le local. Pour autant, la valeur que nous attribuons n’a rien à voir avec la somme de ces trois composants, elle repose pour l’essentiel sur le chef étoilé, l’expérience de ses seconds, la qualité des fournisseurs, la coordination et l’organisation, le savoir-faire, les recettes, etc. On peut généraliser cet exemple à tous types d’entreprise. Il montre à quel point le bilan financier nous renseigne avant tout sur le passé (CA réalisé) et très peu sur la valeur ou sur le potentiel de création de valeur de l’entreprise. L’approche par le capital immatériel est un concept novateur qui apporte un éclairage complémentaire sur la valeur des entreprises. » (www.capital-immatériel.fr)
Nous pensons depuis longtemps que la qualité des équipes, les compétences réunies autour de projets forts, la capacité à créer et entretenir des dynamiques de travail sont des atouts essentiels de nos organisations. Il nous appartient de les cultiver.
Le monde du travail, et notamment au sein du secteur artistique et culturel, est traversé aujourd’hui par de nombreuses conflictualités. De multiples sujets sociétaux viennent bousculer nos normes collectives et s’ajouter à la conflictualité inhérente à l’activité de travailler. Au sein des équipes, comme dans la société, apparait une tendance à la polarisation des points de vue, ce qui provoque à la fois de lourds silences, des difficultés à s’écouter, des accrochages répétés. Nous percevons également une disparition de la nuance dans le vocabulaire, dans le choix des mots, ce qui invalide toute possibilité de distinction et de mesure.
Dans ce contexte, il nous parait nécessaire de repenser les modèles de résolution de conflits, et de définir collectivement de nouveaux repères.
« Ce dont on ne peut parler, c’est cela qu’il faut dire » (Valère Novarina).
Installer le « réflexe » médiation au sein des pratiques de travail est une piste pour agir autrement face aux différends.
La médiation fait son chemin : développement de cellules de médiation interne, augmentation du recours à des médiateurs externes, positionnement du Ministère de la Justice sur le recours à des règlements amiable des différends. La question de la régulation des relations professionnelles devient essentielle pour maintenir une communauté de travail où peuvent vivre ensemble des avis divergents sans se retrouver dans des relations clivées. Nous observons le déploiement de cette activité de régulation, ce qui signifie « se parler du travail ». Elle est en particulier portée par les métiers liés aux ressources humaines, les représentants du personnel, et les personnes nommées en tant que référents transversaux (handicap, violences et harcèlement sexistes et sexuels, éco responsabilité, discrimination, responsabilité sociale des entreprises, coordinateurs d’intimité).
Ainsi, la médiation, et la négociation, sont des outils inspirants qui permettent de maintenir et de réinventer le lien social, dans un souci d’accueillir l’altérité pour travailler les uns avec les autres et non pas les uns à côté des autres. C’est un processus exigeant par lequel les parties prenantes d’une tension conflictuelle recherchent elles-mêmes la solution à leur conflit avec l’aide d’un tiers indépendant et impartial. Processus structuré, volontaire et coopératif de prévention et de résolution amiable des différends, il repose sur la responsabilité des participants et leur capacité à élaborer des propositions de résolutions. Facilitatrice de communication, sans pouvoir de décision, la personne chargée de conduire ce processus favorise le dialogue et la relation, notamment par des rencontres et entretiens confidentiels.
Nous envisageons la médiation comme une activité et une compétence à développer au service de plusieurs objectifs : prévenir le déploiement de tensions conflictuelles à partir de la prise en considération de signaux faibles, entretenir les espaces où on se parle de « comment » on travaille ensemble, anticiper les différends inhérents à la construction de projets communs ou à des désirs de séparation, mettre au travail « autour du feu » des sujets sensibles à aborder au sein d’une équipe, accueillir un état de crise entre personnes au travail, notamment dans le cas de harcèlement moral ou de comportements problématiques, revenir sur une crise (dé)passée pour en comprendre les tenants et aboutissants. Dans tous les cas, le but est d’ouvrir de la curiosité pour soi-même et pour l’autre, d’élargir ses champs de compréhension plutôt que de rester clivé·e·s, d’éclairer les zones d’accords et de désaccords, de composer des solutions équitables.
Promouvoir l’activité de médiation au sein de La Belle Ouvrage est une manière de contribuer à ce que les personnes échangent sur des sujets qui a priori les séparent, en particulier dans un secteur artistique et culturel bouleversé dans ses repères.
À La Belle Ouvrage, nous cultivons l’ouverture à d’autres pratiques comme une dimension essentielle des apprentissages et de la circulation des innovations. Ces pratiques peuvent être celles d’une organisation voisine, d’un professionnel reconnu comme pair, d’un autre secteur, d’un autre territoire.
Nous avons depuis longtemps inscrit notre action dans une perspective européenne. De par sa diversité, l’Europe nourrit les comparaisons et la réflexion critique, stimule l’innovation. La mobilité géographique est aussi mobilité de la pensée.
C’est cette conviction que nous mettons en pratique à travers différentes propositions.
Dès 2007, nous avons inventé la formation « Vues d’ailleurs », qui repose sur la rencontre avec des praticiens venus d’Europe, l’analyse des savoir-faire, des situations et des caractéristiques des territoires, leur mise en perspective et leur transposition possible.
De 2012 à 2017, nous avons proposé une autre formation aux professionnels français désireux d’ouvrir leurs pratiques au champ européen : « L’atelier mobile, pratiques de la coopération européenne », permet à un groupe de douze professionnels français de découvrir d’autres contextes, de rencontrer des professionnels européens impliqués dans des projets de coopération et d’opérer une réflexion sur leur propre contexte. Les dernières éditions ont eu lieu à Helsinki, Bruxelles, Zagreb, Lisbonne,…
Notre engagement européen nous a aussi conduites à participer à plusieurs projets de coopération financés par l’Union Européenne, grâce auxquels nous avons expérimenté des formations interculturelles d’échanges de pratiques entre homologues européens, comme au sein de Space ou DanSCe Dialogues. Ces expériences très riches nous confortent dans ce choix d’ouverture, y compris et surtout dans des situations tendues sur le plan local.
Nous poursuivons ces expériences par des collaborations au long cours avec des partenaires, notamment en Suisse et en Norvège.
L’ouverture est aussi celle que nous mobilisons dans le cadre de nos accompagnements individuels et collectifs, pour soutenir les personnes dans la recherche de nouvelles idées, dans l’exploration de nouveaux métiers, dans la sollicitation d’expertises venues d’ailleurs. Notre immersion dans des contextes de travail variés et notre fonctionnement collectif nous permet de faire circuler des préoccupations et des innovations observées sur le terrain : nouvelles pratiques d’animation d’équipe, outil pertinent, reformulation singulière de mots-valises, initiative inspirante, ressource…
Enfin, nous cultivons ce goût pour l’ouverture en accueillant des membres de l’équipe aux expertises différentes et en répondant avec plaisir à des sollicitations émanant de secteurs variés : architecture, édition, artisanat, secteur médico-social, secteur public, industrie,…
Ce mot, nous le trouvons superbe ! Il sonne bien, il s’écrit bien, il s’emploie au féminin par l’expression « la belle ouvrage » sans perdre de sa masculinité, il recouvre à la fois le travail manuel et intellectuel, le travail artisanal et artistique, technique et littéraire, microscopique et industriel, individuel et collectif, de femmes et d’hommes, il flirte avec l’œuvre, il permet de relier des points, il protège et contient, il donne du courage, il apprécie, il traverse le temps et laisse ses traces… Il est riche de significations que nous souhaitons partager ici avec vous.
Le Dictionnaire culturel en langue française (sous la direction d’Alain Rey) nous dit :
Ses contraires sont : divertissement, récréation, repos.
Alors là, permettons-nous un petit pas de côté, car c’est aussi faire de la belle ouvrage que de laisser de la place au divertissement, à la récréation et autre repos, nécessaire équilibre à toute vie au travail !
En ancien français, d’après le Dictionnaire culturel en langue française, le mot outil signifie « objets nécessaires qu’on embarque pour un voyage ». Voilà une signification qui correspond bien à la façon dont nous employons ce mot à La Belle Ouvrage : produire les outils nécessaires à la conduite de son activité, qui permettent de s’embarquer dans un projet de manière durable.
Plus classiquement, il s’agit d’un « objet fabriqué, conçu et fait pour agir sur la matière, pour exécuter un travail, produire un objet ». G. Simondon définit l’outil comme « l’objet technique qui permet de prolonger et d’armer le corps pour accomplir un geste ». Nous apprécions cette idée de fabrication d’outil singulier comme un prolongement de soi ou d’un groupe pour accomplir une action, car elle contient à la fois la spécificité des personnes qui accomplissent l’action et ce à quoi l’action est destinée, donnant ainsi du sens à la conception et à l’utilisation de l’outil et aidant à penser l’activité.
Nous aimons parler de constituer sa boîte à outils, parce que cela signifie prendre conscience du besoin de s’outiller, de s’équiper pour concevoir et développer toute activité, ou d’outillage, «assortiment d’outils nécessaires à l’exercice d’un métier, d’une activité manuelle, à la marche d’une entreprise, d’une exploitation, à la réalisation d’une opération, d’un type d’opération technique, d’une fabrication ». Un outillage jamais plaqué, toujours conçu en adéquation étroite avec ce au service de quoi il est mobilisé, et par qui il est utilisé.
La boite à outils de La Belle Ouvrage contient des objets bien différents selon les objectifs que vous poursuivez. Par exemple, pour conduire un projet, nous vous proposons des outils à la formulation de projet, la gestion du temps, l’organisation du travail, la gestion financière, juridique, la relations aux partenaires ou au public, la communication, la logistique, l’évaluation. Un outil peut être très concret comme une matrice budgétaire ou un planning d’activités, il peut être plus abstrait comme une grille de lecture des situations complexes ou une conduite pour mener des réunions ou des entretiens. Il peut concerner également l’ensemble d’un dispositif comme une conduite de recrutement ou le déroulement d’un processus de réflexion incluant des consignes d’animation. Il peut poursuivre aussi un objectif de facilitation ou de visualisation comme la représentation graphique. Et cela peut être aussi quelques mots « clés », les petites phrases qui ont fait « tilt », que l’on se colle dans son bureau, sur son frigo, dans son agenda, qui soutiennent le quotidien professionnel.
Réfléchir à la mise en place d’outils est un véritable moyen de développer la notion de collectif de travail, au sens de rassembler les personnes autour de problématiques professionnelles communes, de les amener à réfléchir ensemble aux objectifs de leurs pratiques et aux moyens d’y parvenir de façon la plus opérante et satisfaisante possible pour tous. Cela produit de l’ancrage commun et permet à chacun de prendre connaissance du « patrimoine matériel et immatériel » des pratiques professionnelles du groupe dans lequel il se trouve, de pouvoir s’appuyer sur ces héritages pour inventer d’autres outils et pratiques, et enfin de contribuer à la transmission de ces anciens et nouveaux outils.
Et dernière chose… à La Belle Ouvrage, on aime l’outil…post-it, de toutes les couleurs et de toutes les formes !
Au contact des professionnels et par notre expérience de direction de projet et d’encadrement d’équipes, nous sommes attentives à la situation, aux enjeux, aux difficultés et aux besoins des directrices et directeurs de structures, ainsi qu’à ceux de tou·te·s les professionnel·le·s qui encadrent une équipe.
Pour ces personnes particulièrement, il nous semble qu’il existe peu d’endroits d’élaboration des questions spécifiques à leur activité quotidienne auprès des équipes et des partenaires, peu d’espaces sans enjeux de réussite, de représentation, ou sans obligation de « convaincre » l’interlocuteur.
Nous avons développé des dispositifs spécifiques pour accueillir ces questionnements et soutenir ces professionnel·le·s dans leurs activités, pour travailler sur leurs évolutions personnelles, sur la formulation et la conduite du projet auprès de leur équipe, ou sur le positionnement stratégique du projet et les relations avec l’extérieur.
Nous avons choisi le terme de pilotage et de pilote pour désigner ces professionnel·le·s pour indiquer que nous nous centrons très concrètement sur l’activité de diriger et pour porter un nouveau regard sur cette (drôle de) place. Le pilote pour nous, c’est celui·celle qui dirige, celui·celle qui conduit, qui guide, mais c’est aussi celui·celle qui accompagne, le bateau-pilote, le copilote. C’est d’ailleurs de plus en plus souvent un exercice partagé du pilotage qui est inventé dans les structures. A ces équipes de direction qui réfléchissent et mettent en œuvre collectivement la direction d’une organisation, nous proposons des dispositifs de supervision spécifique qui permettent de prendre le temps de l’élaboration, d’affiner le positionnement de chacun et son niveau de délégation, de repérer et nommer les processus à l’œuvre.
En nous appuyant sur notre expérience auprès d’équipes et d’individus, nous avons développé différents outils pour soutenir les compétences d’encadrement. Selon nous, l’encadrement d’une équipe est toujours adossé à une analyse approfondie du projet et de ses besoins, et se déploie dans des activités aussi variées que le recrutement, l’organisation et la planification du travail, la conduite de réunions, l’animation d’une équipe et l’évaluation du travail, collectif et individuel (voir la notion d’évaluation dans notre glossaire).
Diriger et encadrer sont des activités qui peuvent être menées avec des styles très différents, et nous soutenons les professionnel·le·s dans la définition de leur propre style de pilotage et d’encadrement, singulier et en accord avec leurs valeurs et leurs convictions.
Vaste sujet que le projet, littéralement, « ce qui est jeté en avant » ! Pour nous, le projet peut être individuel ou collectif, à destination d’une seule personne ou d’une population. Le projet peut être la redéfinition de son activité professionnelle, une conception artistique ou culturelle, un développement d’activités. Il peut concerner également la mise en place d’un processus d’expérimentation, d’innovation qui, selon son évaluation, peut s’arrêter ou se pérenniser. Dans tous les cas, il est porteur de sens.
Nous portons une attention particulière à ce que le projet, quel qu’il soit, ne soit pas un projet « bulle » ou « hors sol », mais bien ancré, dans un contexte précis, et aussi dans l’histoire et la personnalité de la personne qui le conçoit. La réflexion sur la conception d’un projet inclut donc l’élaboration des constats tirés de l’analyse de ce contexte conjuguée avec les valeurs et désirs de la personne. De ces constats émergent la formulation d’objectifs généraux, ou d’enjeux, de visées, de défis, bref, de ce vers quoi on tend, et au service de quoi, en précisant les résultats attendus et la durée. Les activités ne sont pas l’objectif du projet, elles sont un moyen d’y parvenir, dans un temps déterminé.
Travailler sur un projet, c’est donc examiner les ressources nécessaires pour se développer : moyens humains, financiers, juridiques, techniques, de communication, de partenariat, … C’est aussi réfléchir aux indicateurs grâce auxquels il sera possible de mesurer les réussites et les écarts entre les objectifs de départ et le point d’arrivée. C’est enfin se donner les moyens d’évaluer pour procéder aux éventuels ajustements et pouvoir argumenter précisément sur la question de l’utilité.
Collaborer sur un projet amène les personnes à éprouver la richesse de ce qui s’énonce souvent comme des contradictions : ressentir des contraintes fortes entre temps, moyens et ressources, et même une impression d’incohérence entre fins et moyens, alors que cela favorise le développement de solutions nouvelles ; se confronter à de l’incertitude et du risque alors que cela favorise l’élaboration de nouveaux savoirs ; expérimenter de la conflictualité et du débat productif dans le cadre des collaborations ; faire preuve de mobilité et de transversalité dans les échanges (plutôt que l’attachement à la spécialisation), comme conditions de l’apprentissage individuel et collectif.
Ces deux disciplines sur lesquelles nous prenons appui à La Belle Ouvrage explorent les relations entre l’individuel et le collectif (le collectif de la famille, de l’équipe, du groupe social,…), entre les processus psychiques et les phénomènes sociaux et institutionnels, en « intégrant la façon dont les individus les vivent, se les représentent, les assimilent et contribuent à leur reproduction » (extrait site sociologie-clinique.fr).
Les pratiques psychosociologiques sont des pratiques d’études, de formation, de consultation et d’intervention qui relèvent d’une logique d’accompagnement de ceux qui, individuellement ou en groupe, adressent une demande concernant ce qu’ils considèrent comme des dysfonctionnements, crises, malaises. Elles reposent sur la participation des personnes à la découverte du sens des situations traversées.
La démarche est clinique, ce qui signifie une « attention portée à la singularité de chacun dans les rapports explorés à autrui, une approche du changement privilégiant les processus (et non les états ou les rapports de causalité), la prise en compte des phénomènes affectifs et inconscients impliqués dans les conduites et les représentations individuelles et collectives, l’attention portée à l’implication du chercheur et/ou de l’intervenant, sa double visée d’autonomie des personnes et d’accroissement de leur puissance d’agir » (Dominique Lhuillier, Nouvelle revue de psychosociologie, numéro 15).
Nous travaillons très régulièrement avec la démarche des « récits de vie » (ou « histoires de vie »), dans le cadre de nos accompagnements. La dimension de l’histoire nous paraît en effet fondamentale pour comprendre les situations d’aujourd’hui, individuellement et collectivement.
Selon Alex Lainé, le « récit de vie doit être entendu comme la narration écrite ou orale d’une sélection d’événements choisis par le narrateur pour leur place et leur signification dans l’histoire où ils s’inscrivent » (Intervenir par le récit de vie, sous la direction de Vincent de Gaulejac et Michel Legrand, ed. Erès, 2015).
À partir de supports pédagogiques variés (écrits, représentations graphiques, représentations chronologiques, …), il s’agit pour nous d’explorer le parcours professionnel replacé dans son contexte à la fois familial, social, historique, géographique, de repérer les liens qui le constituent mais aussi de percevoir l’articulation avec les projets de développement professionnel, les incidences du parcours sur la conception et la mise en œuvre de ces projets.
Développée par les sociologues cliniciens à travers des groupes d’implication et de recherche dans le cadre du Réseau International de Sociologie Clinique, cette exploration par les récits de vie permet non pas de changer l’histoire de chacun (le passé est passé), mais le rapport à l’histoire, c’est-à-dire la façon dont elle est agissante en soi. Cette méthode favorise la prise de conscience des facteurs historiques, sociaux, psychiques, économiques et familiaux qui conditionnent l’histoire individuelle, groupale ou institutionnelle.
Mettre son histoire professionnelle au travail permet donc de revisiter, requestionner des versions de cette histoire, et d’en explorer d’autres.
À La Belle Ouvrage, nous sommes attachées à cette démarche et aux bénéfices qu’elle permet. Nous la proposons en individuel, dans le cadre de nos accompagnements individuels et bilans de compétence.
Nous la proposons également en collectif dans le cadre de nos formations par groupe de pairs.
Nous la développons également lors de nos interventions auprès des équipes et de leurs pilotes autour du « récit de vie de la structure ». Il s’agit alors de repérer ensemble les faits marquants, les grandes périodes, les événements qui émaillent la vie d’une structure et d’avoir accès aux différentes représentations et vécus de ces faits. Mettre ensemble au travail l’histoire d’une structure, c’est permettre de revisiter ses fondations, ses évolutions, ses héritages. C’est ainsi mieux comprendre le présent pour pouvoir se tourner vers l’avenir en ayant identifié ce que l’on poursuit, ce que l’on arrête, ce que l’on développe, ce que l’on crée.
Nous préférons employer le terme de richesses plutôt que de ressources parce qu’il ajoute à la notion d’utilité, propre à la ressource, une notion de complexité dans les compétences, les relations et la production d’idées.
Les richesses humaines constituent un moteur central dans le développement des projets quels qu’ils soient. Dans un contexte soumis à de très fortes évolutions sociales, juridiques, économiques et environnementale, les compétences de conduite et d’animation d’équipe sont plus décisives que jamais.
Cela suppose pour chaque responsable d’équipe de clarifier son positionnement, d’affirmer le style d’animation choisi et de mettre en œuvre les outils de pilotage qui permettent au mieux le déploiement des compétences de chacun au service de la singularité du projet.
Pour cela, il nous semble essentiel de pouvoir échanger sur son activité professionnelle, et d’analyser à plusieurs, en interne ou dans un groupe de pairs, ses expériences diverses de pratiques professionnelles, prendre du recul, mieux comprendre les évolutions d’un secteur, avant de consolider ses compétences et outils.
Cultiver les richesses humaines dans une équipe, c’est souvent d’abord concevoir l’organisation du travail en adéquation avec le projet et sa temporalité, puis initier de nouvelles pratiques de gestion et d’animation d’équipes, être attentif à l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, percevoir le conflit comme élément dynamique, développer la mobilité des pratiques liées aux évolutions des métiers. autant d’enjeux passionnants et d’expériences exigeantes à mener au sein d’une équipe !
Le bien-être au travail est à la fois une aspiration et une injonction faite aux organisations et aux individus. Relier la question du bien-être et celle du bien-faire est la proposition d’Yves Clot, psychologue du travail, que nous partageons. Dans cette perspective, il s’agit donc de s’attacher à ce qui constitue le bien-faire ensemble. Il pose une question simple : « combien de fois dans l’année avez-vous discuté des critères de qualité du travail que vous faites avec vos collègues ou avec votre direction ? ». Souvent, la réponse est « jamais ».
Dans les réunions, les rendez-vous, les échanges, les personnes discutent des objets de travail (tel projet, tel dossier, telle production, tel temps fort,…) mais très rarement du degré d’exigence concernant la qualité de l’objet produit d’une part, et de la qualité de comment cet objet est produit d’autre part. Sommes-nous satisfait·e·s et d’accord sur la qualité de ce que nous produisons ? Sommes-nous satisfait·e·s et d’accord sur comment nous travaillons ensemble (organisation, protocole, communication, comportements)? Ces échanges sont peu fréquents parce qu’ils sont impliquants, difficiles, coûteux voire risqués. Pour soi, pour l’autre, pour l’entreprise.
Parler du travail, c’est du travail ! C’est créer des espaces où la parole de chacun·e est prise en compte quelle que soit sa fonction. C’est parler à partir de soi, formuler, adresser, décrire, vérifier, exprimer ses besoins. C’est aussi écouter, accueillir, comprendre, déplacer ses points de vue, sortir du jugement moral, ajuster, être d’accord et ne pas être d’accord. Le tout sans en avoir peur. Cela nécessite de mettre en place un cadre qui garantit la sécurité indispensable à cette nature d’échanges. Pour ce faire, le cadre, constitué de règles, doit être discuté et accepté par tous. Ces règles peuvent concerner les points suivants : des critères de bienveillance, des règles précises de communication interpersonnelle, des protocoles de conduite de ces temps de travail particuliers, le tout afin d’installer un climat de confiance.
Cela nécessite également du temps. Du temps pour regarder ensemble le travail produit, faire des bilans, des évaluations, en tirer des enseignements pour mieux aborder la suite. Nous considérons que parler du travail est une activité à part entière. Il s’agit en fait d’un investissement immatériel : « parler du travail » garantit la construction, le développement et le maintien du collectif de travail, pour mieux travailler ensemble. C’est un facteur important du bien-faire ensemble et donc du bien-être au travail.
Aujourd’hui nous entendons beaucoup parler d’« intelligence collective », d’« entreprise libérée », de « facilitation », d’« agilité » et plus globalement de « fonctionnement collaboratif ». Nous sommes convaincues que l’existence d’espaces effectifs pour parler du travail est un pilier pour éviter les écueils de ces modalités et leur permettre de se déployer dans de bonnes conditions.